Le nom de Moret-sur-Loing est inséparable de celui d’Alfred Sisley. Ce peintre, impressionniste de la première heure, issu d’une famille anglaise installée à Paris, a en effet vécu une vingtaine d’années à Veneux-Nadon (aujourd’hui, Veneux-Les Sablons) et Moret-sur-Loing.
Il a fréquenté et peint la région dès ses jeunes années. À partir de 1863, Sisley et ses amis rencontrés au sein de l’atelier de Charles Gleyre peintre et professeur aux Beaux-arts, Auguste Renoir (1841-1919), Frédéric Bazille (1841-1870) et Claude Monet (1840-1926) sont venus travailler « sur le motif », en forêt de Fontainebleau, à Barbizon ou Marlotte situé à une dizaine de kilomètres de Moret.
Tous sont alors inspirés par la peinture anglaise de Constable et Turner, que Sisley connaît bien pour avoir fait quelques séjours outre-Manche, et par le courant réaliste français, en particulier Gustave Courbet et les maîtres paysagistes de l’École de Barbizon, Corot (1796-1875) et Daubigny (1817-1878). Le petit groupe nourrit des ambitions novatrices, à contre-courant de la peinture académique : restituer l’ambiance spécifique d’un lieu réel en s’attachant à suivre l’un des préceptes de Corot « ne jamais perdre la première impression qui nous a ému ». Après la forêt de Fontainebleau, le sujet de prédilection de Sisley et de ses amis fut incontestablement la Seine et ses affluents. Pour peindre le fleuve au plus près, sous des angles inédits, Renoir et Sisley vont jusqu’à louer une petite embarcation.
Avec Monet et Renoir, mais aussi Cézanne, Pissaro, Degas ou Berthe Morisot, Alfred Sisley exposa au printemps 1874 ses toiles dans l’atelier studio du photographe Nadar à Paris, en marge des salons officiels.
Une toile peinte « sur le motif » est le plus souvent une peinture de plein air, exécutée sans l’intermédiaire d’un dessin préalable, qui aurait été reporté ensuite sur la toile. Il s’agit d’une œuvre peinte à l’extérieur, dans la nature, devant son sujet, souvent un paysage, comme l’ont fait les pré-impressionnistes et les impressionnistes, armés de leurs pinceaux et chevalets.
Cet événement restera dans les annales comme la toute première exposition impressionniste. Par la suite, Sisley participa à bon nombre des manifestations du mouvement. Malgré le soutien du collectionneur et marchand Paul Durand-Ruel, le succès ne fut jamais vraiment au rendez-vous de son vivant. La ruine de sa famille, suite à la guerre Franco-Prussienne (1870), l’obligera à réduire son train de vie et à quitter Paris pour Louveciennes, puis Marly-le-Roi, Sèvres, et enfin Veneux-Nadon et Moret-sur-Loing où il résida au 19 rue Montmartre, jusqu’à sa mort en 1899. Toute sa vie il s’attacha à peindre ses lieux de résidence, où il puisait son inspiration. En effet, le paysage représente la quasi-totalité de l’œuvre de Sisley. Si près d’un millier de tableaux du peintre sont aujourd’hui répertoriés, plus de 400 toiles ont été réalisées en Seine & Loing, immortalisant les sites de Moret-sur-Loing, Veneux-Les Sablons, Saint-Mammès et Thomery.
Lors de la 7e exposition impressionniste en 1882, sur les 27 toiles de Sisley exposées, 26 représentent les environs. Il explora et peignit, toujours « sur le motif », sans relâche les vergers, la rivière, le fleuve et leurs confluences, les bateaux, les rues des villages, la gare ou l’église de Moret. Il exécuta, sur le modèle de son ami Monet, une série de 14 tableaux représentant l’édifice à différentes heures du jour, lui permettant d’étudier les variations et jeux de lumière. Au cours des 20 dernières années de sa vie, il affirma ici son style et sa palette. Son talent à capter les changements de lumière, la délicatesse du ciel et des nuages, du souffle du vent dans les arbres confèrent à ces œuvres une gaîté et un charme étonnant. Sisley, qui s’est dévoué corps et âme à sa peinture toute sa vie, s’il n’est pas le plus « connu », il est aujourd’hui considéré comme le plus grand paysagiste et le plus puriste des impressionnistes.
« Moret-sur-Loing au soleil levant », « Peupliers à Moret-sur-Loing », « Le Loing à Saint-Mammès », « Un coin de bois aux Sablons »… Ces compositions restent parmi les plus grands chefs d’œuvre impressionnistes et sont accrochées dans les plus prestigieux musées du monde.
C’est d’un sarcasme du critique d’art Louis Leroy face au tableau de Monet « Impression soleil levant » qu’est né le terme qui désigne ce courant artistique majeur. Au départ, il s’agit d’un groupe d’artistes qui porte une volonté commune de représenter la vie réelle, de tous les jours et non des scènes et des sujets classiques. Ils utilisent les couleurs pures, loin des teintes sombres de la peinture académique de l’époque. En juxtaposant des touches de couleurs, iIs vont inventer une technique picturale répondant à leur désir de privilégier la sensation, l’impression, l’instantané. Si les œuvres impressionnistes sont aujourd’hui admirées, elles firent scandale à leur époque.
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